La langue française. Entretien avec l’association Corrigraphie.

Cela fait déjà quelques dizaines d’années que la thématique environnementale est mise en avant, notamment par les scientifiques. Quand on l’évoque, on pense avant tout à la nature ou à la pollution. Pourtant, tous les environnements sont touchés, comme le culturel et l’idiomatique.

La mondialisation et les mouvements irraisonnés qui en découlent sont en grande partie responsables de ces dégradations. Comme les lecteurs de ce blog et de mes livres le savent, je m’intéresse beaucoup aux mouvements et aux notions de rythmes, d’harmonie… d’où le nom de ce blog « La Mesure de l’Excellence ». Tous les rythmes ne sont pas bons à prendre. Notre société de consommation moderne a très bien compris l’importance du rythme, et pousse les gens à la consommation en les incitant à bouger, en les rendant le plus mobile possible, tout cela au son d’une musique binaire ! Avec ces mouvements, non seulement on fait dépenser, mais on crée des désirs nouveaux et amplifie les anciens. En même temps que cela croît, les environnements s’appauvrissent et l’uniformisation du monde grandit. La langue anglaise est un des outils principaux de cette internationalisation véhiculée non seulement par Internet et le domaine informatique, les deux principalement dans les mains de quelques grands groupes, mais aussi par tous ceux qui trouvent que c’est bien de parler franglais. L’imagination et la poésie ne sont plus à l’ordre du jour. On utilise des mots américains prémâchés, symboles de cette mondialisation, idéologie dont l’objectif principal est le rendement à court terme et dont les perspectives à plus long terme sont une terre inhabitable, où déjà de nos jours à peu près tous les habitants sont confrontés à des pollutions multiples et quotidiennes, l’anglais en étant une importante.

Les années 1970 marquent un effondrement de pratiques idiomatiques multiples. La messe ne se dit plus en latin, alors qu’auparavant c’est le cas partout, même dans les villages les plus reculés. Les patois disparaissent alors que précédemment chaque région (parfois constituée de quelques villages) a le sien. Dans mon département de naissance, la Loire, on peut cartographier plusieurs régions avec leur propre patois (certaines expressions locales étant encore en usage aujourd’hui) : le parler gaga (à Saint-Étienne et ses alentours), le patois forezien, le parler roannais, etc. Dans le village de mon enfance et à quelques kilomètres à la ronde, on utilise encore des mots que l’on ne retrouve pas ailleurs dans le département proprement dit ; mais le patois lui n’est plus utilisé alors que quelques vieillards le connaissent encore durant mes jeunes années ! Autrefois, même les corporations ont leurs mots, ainsi que diverses associations de gens. Au XIXe siècle, à Paris, presque chaque quartier a ses expressions particulières, ainsi que certains métiers, groupes, etc. Dans mon livre sur Les Petits-maîtres de la mode, j’évoque des parlers de merveilleux, comme celui de la « couleur locale » et du « style coloré » des romantiques jeune-France. Un autre exemple : la javanaise qui est une manière de langage qui apparaît à Paris, dans la seconde moitié du XIXe siècle, consistant à ajouter des lettres dans les mots, afin de les rendre intelligibles que par les initiés. On pourrait énumérer une grande quantité de divers langages rien que dans le Paris du XIXe siècle. Cette verve poétique et populaire est restée présente très longtemps dans la capitale.

La langue a une grande importance en France, et cela depuis des temps immémoriaux. Une tradition évoque un Hercule gaulois capable par la seule force de sa parole de déplacer des montagnes. Joachim du Bellay (1522 – 1560) conclut son Défense et illustration de la langue française (1549) par ces mots : « Français […] Vous souvienne de votre ancienne Marseille, seconde Athènes, et de votre Hercule gallique, tirant les peuples après lui par leurs oreilles, avec une chaîne attachée à sa langue. »

En France, la langue est toujours un sujet de préoccupation. Cependant, au Moyen Âge, ce qui constitue l’actuelle France est constellé de diverses langues que l’on peut regrouper en deux ensembles principaux situés au nord (langue d’oïl) et au sud (langue d’oc) de la Loire. L’orthographe n’est pas encore établie, et un même mot peut s’écrire de diverses manières selon surtout la façon dont on le prononce.

Seul le latin réunit tout le monde et cela dans toute l’Europe. C’est la langue de l’Église, des sciences… Plusieurs traités sur l’art poétique en latin sont publiés au Moyen Âge, suivant une tradition issue de l’Antiquité, avec pour auteurs principaux Aristote (La Poétique, IVe siècle av. J.-C.) et Horace (Art poétique, Ier siècle av. J.-C.). Eustache Deschamps (v. 1340 – v. 1404) serait le premier à en composer un en langue d’oïl : L’Art de Dictier (1392). Par la suite, l’écrit le plus célèbre sur ce sujet est peut-être L’Art poétique (1674) de Nicolas Boileau (1636 – 1711). Aujourd’hui, nous connaissons très peu la littérature latine médiévale, pourtant très riche. Les traités sur la rhétorique sont peut-être encore plus nombreux, et beaucoup parlent de poésie et de versification, notamment au temps des grands rhétoriqueurs (du milieu du XVe siècle au début du XVIe), sans compter les écrits sur la musique intimement liée à la poésie et à la langue, notamment par la rythmique, en particulier jusqu'à l'époque moderne (qui commence au XVIe siècle).

C’est surtout à partir du XIIe siècle que des poètes utilisent la langue ‘vulgaire’ et l’améliore. À la fin du Moyen-Âge, le français est très proche de celui que l’on parle aujourd’hui. Par exemple, la poésie de Charles d’Orléans (1394 – 1465) est compréhensible pour un lecteur contemporain peu aguerri, peut-être grâce aux travaux de personnages comme le poète Eustache Deschamps. Au XVIe siècle, on s’intéresse davantage encore à la langue française et écrit des traités sur le sujet. Précédemment, je cite un ouvrage du poète Joachim du Bellay. Ce sont souvent les poètes qui s’intéressent à elle, et cherchent à la rendre digne du latin, voire supérieure. Les XIVe – XVIIe sont des siècles où le français est à construire, et les poètes maîtres de la rythmique et de l’invention langagière s’attellent volontiers à cette tâche. J’insiste sur cela, car les poètes sont des ‘trouveurs’ (trouvères), des inventeurs de la langue.

Comme le français est tout à inventer, on en discute beaucoup dans des cercles littéraires, comme ceux de l’École lyonnaise et de la Pléïade au XVIe siècle ou ceux des précieuses au XVIIe siècle. Le choix d’une orthographe pour un mot peut mener à de longues discussions. Au XVIIe siècle, des écrivains (principalement des grammairiens et lexicographes) comme Jean Nicot (1530 – 1604, son Thrésor de la langue française est publié de manière posthume en 1606), François de Malherbe (1555 – 1628), Claude Favre de Vaugelas (1585 – 1650), Gilles Ménage (1613 – 1692), César-Pierre Richelet (1626 – 1698), Dominique Bouhours (1628 – 1702), cherchent à la perfectionner, ainsi que beaucoup d’auteurs.

Dès 1635, l’Académie française prend le relais des salons qui ne cessent cependant d’exister. Aujourd’hui, cette académie ne représente plus grand-chose, contenant des académiciens médecins, politiques, historiens… d’autres principalement de culture anglaise… Du coup, depuis le XXe siècle, le français est principalement dans les mains de sociétés privées comme Larousse ou Robert, et aujourd’hui aussi dans celui de l’Internet comme avec le Wiktionnaire (Wiktionary).

Au XVIIe siècle, les poètes continuent d’affiner la langue française, notamment à travers le théâtre, ainsi qu’au XVIIIe, avant d’être celle que l’on parle aujourd’hui.

Une langue c’est un mélange entre le passé, le présent et le futur. Enfin, c’est de l’art ! Elle est en continuelle mutation, sinon elle devient morte. Nous sommes tous les acteurs de cette évolution. Les choix des mots, des tournures… expriment notre personnalité et notre état d’esprit ainsi qu’un niveau ‘d’intelligence linguistique’, de finesse dans ce domaine. Une langue construit notre réalité : Nous parlons, exprimons, pensons par elle ! La maîtriser et savoir la poétiser nous libèrent en partie de sa structure qui est une organisation sociale permettant la communication harmonieuse entre les individus, mais aussi une communication avec un lieu, une terre, un esprit…

L’association Corrigraphie se donne pour objectif la défense de la langue française. Ses adhérents aiment cette langue et font partager leur goût pour celle-ci à travers plusieurs activités proposées sur leur site. J’ai posé les quelques questions ci-dessous à M. Vincent Primault, membre très actif de cette association. En envoyant ses réponses, celui-ci a tenu à préciser que celles-ci n’engagent que lui. Je dois ajouter que ce que je dis n’engage aussi que moi.

– Bonjour M. Vincent Primault. Pouvez-vous, s’il vous plaît, nous présenter votre association ?

– Corrigraphie s’est créée originellement à partir de la volonté de donner une structure juridique pour le site zCorrecteurs.fr. Nous voulions pouvoir avoir un compte en banque, et montrer à nos partenaires une certaine structuration. La forme associative a vite semblé la plus adaptée, puisque nous ne souhaitions pas en faire une activité commerciale. Les « zCorrecteurs » sont un groupe formé en 2006 pour corriger le contenu mis en ligne sur le « Site du Zéro » (d’où le z initial), devenu entre temps OpenClassrooms. Avec le temps, notre activité de correction s’est diversifiée (nous ne corrigeons plus de contenu d’OpenClassrooms, leur propre activité ayant aussi évolué), et notre site Web propose en plus des ressources autour de la langue française : articles, quiz, dictées… Aujourd’hui encore, l’association s’occupe essentiellement de la gestion administrative du site zCorrecteurs.fr, mais est aussi le point d’entrée pour ceux qui souhaiteraient pouvoir bénéficier de nos activités de correction.

– Pourquoi ce nom de « Corrigraphie » ?

– Nous aurions pu appeler notre association « zCorrecteurs », mais nous souhaitions lui donner une identité distincte, afin de pouvoir aussi supporter de futurs projets. Après beaucoup de propositions, ce nom s’est imposé car, en plus de bien sonner à l’oreille, son préfixe corri- met l’accent sur nos activités de correction, qui sont à l’origine de notre petit groupe.

– Aujourd’hui, la langue française est particulièrement malmenée, notamment par les nouveaux moyens de communication et la mondialisation qui mettent en avant l’anglais. Personnellement, j’essaie de ne pas trop employer de mots d’origine anglaise, mais des termes français, quitte à en inventer, comme on le fait parfois en poésie. Quel est votre avis sur ce sujet, et que préconisez-vous ?

– Travaillant pour une entreprise américaine, c’est une question à laquelle je suis assez sensible et confronté tous les jours. Force est de constater qu’entre employés, nos conversations ressemblent souvent à un étrange mélange de français et d’anglais… Beaucoup de termes techniques de mon domaine (informatique) n’ont pas de traduction directe en français (sans passer par une périphrase), ou alors une recommandation très rarement utilisée en pratique. Lorsque c’est le cas, j’ai tendance effectivement à mélanger facilement les deux langues, souvent à mon grand désespoir lorsque je réalise la phrase atroce que je viens de formuler. En revanche, lorsqu’une alternative claire et répandue existe, j’essaie de l’utiliser autant que possible. Par exemple, j’essaie d’utiliser courriel autant que possible, au lieu d’email (qui en plus tend à se raccourcir en mail, ce qui me choque puisque mail se réfère au courrier postal en anglais). Mais cela reste pour moi une question très épineuse, qui est un combat de tous les jours !

– Selon moi, la poésie est importante pour maintenir une langue en bonne santé. Il me semble que celle-ci est de moins en moins présente dans le français actuel et la culture française contemporaine. Les poètes ne sont plus des personnes recherchées. Peut-être est-ce à cause de notre univers largement électronisé ! Qu’en pensez-vous ?

– Je suis en effet d’accord que la poésie est assez peu valorisée et présente aujourd’hui. En revanche, je n’y vois pas forcément un lien direct avec les évolutions liées au numérique, qui est pour moi avant tout un moyen à mettre au service d’une cause. Le numérique est un outil, qui est neutre en soi. Le projet que nous menons avec l’association Corrigraphie est pour moi un exemple d’une façon d’utiliser les outils de communication modernes au service d’une cause intemporelle. En revanche, peut-être la raréfaction de la poésie est en lien avec d’autres formes de divertissement artistique qui attirent plus les foules : théâtre, comédies musicales et autres spectacles. Il me semble qu’on retrouve dans ces divertissements une certaine forme de poésie, bien qu’elle soit parfois cachée sous des mises en scène plus ou moins extravagantes.

– L’orthographe et la grammaire françaises ne sont pas faciles. Cela décourage beaucoup de jeunes gens. Pourtant, au Moyen Âge il n’y avait pas de règles strictes. Encore au XIXe siècle on était beaucoup moins rigoureux qu’aujourd’hui dans ce domaine. Faut-il considérer les fautes d’orthographe comme invalidantes ?

– Dans le monde scolaire, les fautes d’orthographe peuvent avoir un impact sur la note des élèves, en particulier dans les matières littéraires. Dans le monde professionnel, la situation est la même : un CV présentant trop de fautes (35 % des recruteurs écarteraient un CV à partir de deux fautes [1]) risquera d’être rejeté, même si le candidat présente toutes les conditions requises. Il semblerait donc qu’un manque de maîtrise de la langue puisse être rapidement invalidant dans la vie quotidienne, et ce dès le plus jeune âge. La société est bâtie sur un certain nombre de règles que chaque citoyen doit apprendre, et que celles qui régissent notre langue ne sont finalement qu’un ensemble de plus. Par exemple, le code de la route régit la façon dont nous circulons sur la route ; certains ont plus de mal que d’autres à l’appliquer (volontairement ou par distraction) ; certaines de ses règles peuvent sembler contestables, mais elles restent conçues dans l’objectif affiché de sauver des vies. Si j’ose filer la métaphore, les règles applicables au français nous permettent de nous comprendre ; elles sont plus ou moins difficiles à assimiler selon la sensibilité de chacun ; elles peuvent aussi parfois nous sembler désuètes ou incompréhensibles. Mais sans aller jusqu’à dire que le bon usage du français sauve des vies (encore que… [2]), un texte rédigé sans faute fera gagner du temps à son destinataire et réduira le risque d’incompréhension.

– Il me semble qu’une langue est un apprentissage continuel, et que trop la figer la tue. Cependant, il y a des directions à prendre bien ‘meilleures’ que d’autres. Êtes-vous d’accord ? Si oui, quelles sont les directions que vous aimeriez que le français prenne ? Si non, dites-nous pourquoi ?

– Effectivement, les langues ne sont pas figées mais en évolution perpétuelle, en témoignent les nombreux travaux de l’Académie Française ou encore des éditeurs de dictionnaires, pour ne citer qu’eux. En ce qui est de savoir si certaines directions sont meilleures que d’autres, nous risquons de retomber rapidement dans un traditionnel clivage entre conservateurs et progressistes, que je souhaiterais éviter. :) On a vu ces dernières années des décisions allant vers une simplification de l’orthographe, par exemple en ôtant l’obligation de mettre des accents circonflexes sur certaines voyelles ou en rectifiant quelques « anomalies » (ognon ou nénufar). [3] Au-delà d’une simple question de pour ou contre, j’espère que ces simplifications permettront de faciliter l’apprentissage de notre langue, pour ceux dont il s’agit de la langue natale comme pour ceux pour qui le français est une langue étrangère.

– Vous évoquez un clivage traditionnel entre conservateurs et progressistes : les anciens et les modernes. C’est vrai que cela jalonne l’histoire du français et aussi de la culture française. Personnellement, je pense qu’il existe une troisième voie consistant à prendre ce qu’il y a de meilleur chez l’un et chez l’autre !

[1 ]https://www.wuro.fr/blog/ressources-humaines/cv-lettre-motivation-attention-fautes-orthographe.html

[2] http://mamaitressedecm1.fr/wp-content/uploads/2012/11/ponctuation.pdf

[3] https://www.projet-voltaire.fr/culture-generale/reforme-orthographe-expliquee-10-points/

Pour finir, j’incite chacun à ne pas utiliser de mots anglais quand des termes français existent. Il y a des domaines où l’anglais ne peut pas être évité, comme l’informatique qui invente son propre vocabulaire. Sinon, je trouve que parsemer le français de termes anglais est une marque d’un manque d’imagination, voire pire. Très certainement on gagnerait à donner un sursaut précieux à notre langue, en ne laissant pas la grande machine à uniformiser internationale se l’approprier. Redonnons-lui de la poésie, réinventons là intelligemment.

Les Petits-maîtres de la Mode

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La bona maneira

Les Petits-maîtres de la Mode

S’il existe de petits riens, il y en a aussi de grands, et puis des riens qui sont tout, car il est des royaumes beaucoup plus précieux que nos croyances, qui agissent directement sur la réalité pour en faire une ambroisie, un or sublimé, par quelques mots simples mais magiques, par ce que l’on peut appeler « une manière ». Les façons et les modes, par leurs mignardises, nous disent aussi sur ce royaume pour qui sait entendre.

Ce sont des réminiscences d’un âge d’or où le désir n’existe pas, seulement le plaisir, non plus que la confusion ou la souffrance expressions d’esprits et de corps malades.

La transmission écrite n’est pas le seul genre de transmission. Il y a aussi la transmission orale, et celle d’esprit. Cette dernière est plus de l’ordre de ce que les poètes appellent leur muse. Elle peut surgir à la vue d’une œuvre d’art, d’une architecture, d’un paysage, d’une personne… elle peut venir d’un sentiment, d’une compréhension, etc.

L’univers courtois donne des exemples de cette manière, de cette bona maneira, mais il n’est pas le seul. Personnellement, je suis très sensible à une véhiculée dans le monde rural… non seulement à travers la nature mais aussi un esprit particulier qu’il est difficile de décrire car tout entier dans un présent ‘sublimé’, d’où mon amour de la terre que je foule et que j’aime connaître, découvrir notamment à travers sa vie : ses plantes sauvages en particulier. Cela n’a pas été consigné dans des textes, mais ceux de la poésie courtoise (des cours) en donnent des exemples.

Cette poésie courtoise semble surgir de nulle part au XIIe siècle, avec Guilhem IX duc d'Aquitaine et de Gascogne (1071 – 1127), comme les contes pour enfants apparaissent avec Charles Perrault à la fin du XVIIe siècle. Pourtant ces écrits viennent de beaucoup plus loin, de la terre qui les voit naître, tout en ayant un caractère universel, se plaçant au croisement de multiples réalités ayant une même base, un socle commun. Dans le premier cas, il s’agit de l’amour du beau et du bon (et du bien) et dans le second d’un univers de magie particulier. Pour les deux, ces récits marquent un grand changement, une sorte de perte, d’où la nécessité de consigner par écrit afin d’en garder la mémoire.

De même, l’univers de la petite maîtrise n’a jamais été consigné par écrit jusqu’à présent. Il était tellement imprégné dans la société française, que le besoin ne s’en faisait pas ressentir : Cela allait de soi. Le sujet semblait même beaucoup trop léger pour être retenu, même s’il était porté par toutes les classes de la société, depuis les rois et les reines jusqu’aux particuliers. Pourtant, les rythmes qu’il porte sont importants : courtoisie, galanterie, élégance, beauté, invention, modernité, fantaisie, etc.

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Drôles de pistolets VI de Bertall

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Photographie ci-dessus : Illustration par Bertall de La Comédie de notre temps (1874 – 1876) avec un ancien romantique : « ANCIEN JEUNE FRANCE 1838. Souvenirs et regrets du vrai libéralisme, de la jeunesse vraie, du vrai chapeau. » Le libéralisme n'a évidemment rien à voir ici avec la doctrine économique, le mot exprimant à cette époque tout ce qui tourne autour de la liberté.

Autres exemples ci-dessous provenant de la même source.

Les illustrateurs français de la mode du XIXe siècle sont nombreux, mais les ‘meilleurs’ sont rarement classés comme des illustrateurs de mode, car polyvalents et à la pointe du progrès des dernières techniques de diffusion.

Durant ce siècle, la lithographie est un de ces nouveaux procédés. Elle est plus adaptée pour prendre la mode sur le vif, dans le mouvement. Au XIXe, elle n’est pourtant jamais employée par les journaux de mode qui lui préfèrent la gravure. C’est donc dans des revues publiant des caricatures que l’on retrouve ces témoignages.

Dans mes articles sur les « Drôles de pistolets », je présente plusieurs de ces artistes. J’ai donné l’exemple d’Alfred Grévin (1827 – 1892) (voir ici et ici) , de Cham (1818 – 1879, voir ici), de Félix Nadar (1820 – 1910) ici et de Charles Vernier (1813 – 1892) ici.

Avant ces lithographies, certains artistes du même genre publient par l’intermédiaire de la gravure des dessins sur les mouvements de la mode du moment, comme Horace Vernet (1789 – 1863), Carle Vernet (1758 – 1836), Louis-Marie Lanté (1789 – 1871) et Georges-Jacques Gatine (1773 – 1824), voir ici.

M. d’Arnoux, dit Bertall (1820 – 1882), réalise à la fois des gravures en particulier pour des journaux de mode et des lithographies pour d’autres revues. Il fait le lien entre des anciens illustrateurs de mode comme H. Vernet ou L.-M. Lanté (voir lien précédent) et les nouveaux utilisant la lithographie. Il est aussi un des pionniers de la photographie et réalise des portraits qui donnent une idée des modes d’alors.

La photographie ci-dessous, réalisée par l’atelier de Bertall (peut-être par le dessinateur lui-même), pourrait être celle d’un gentil homme tel que Cham les dessine (voir l’article Drôles de pistolets III : Les « gentils hommes » de 1846 !). Il en a plusieurs caractéristiques : Les cheveux frisés (ici artistiquement ondulés), la barbe et la moustache très fournies, la cravate un peu grosse nouée à l’horizontal et le pantalon et le gilet à motifs géométriques, généralement des carreaux mais ici des pois. Ce cliché est un portrait-carte, une carte de visite (voir cet article sur le sujet de ces cartes) que l’on se fait faire avec sa photographie, réalisé par l’atelier Bayard & Bertall, « rue de la madeleine N°15 bis » à Paris. D’après la BNF, il s’agit d’un « Atelier de photographie formé par Bertall et Hippolyte Bayard au début des années 1860 jusqu’à 1866 ». J’ai acheté cette carte de visite pour le personnage, et ai été très agréablement surpris de constater, a posteriori en regardant le dos de celle-ci, qu’elle provenait de l’atelier du caricaturiste de modes !

Les Petits-maîtres de la Mode

Les œuvres de Bertall sont les premières à avoir suscité mon intérêt pour les représentations des merveilleux du XIXe siècle en dehors des traditionnelles revues de mode, en particulier son livre en trois tomes La Comédie de notre temps, le troisième étant intitulé La Vie hors de chez soi, publiés de 1874 à 1876. On peut les lire ici : tome I, tome II et tome III. Cet ouvrage est vraiment dans l’esprit de la petite maîtrise parisienne du XIXe siècle, avec un amour pour ces petits riens qui produisent les gens, et en particulier les merveilleux… qui composent des vies qui jouent leur spectacle avec leur propre fantaisie, empruntée à un air du moment faisant de chacun un comédien et un spectateur afin de savourer le plus entièrement possible cette comédie du temps, de la modernité… une modernité qui passe vite, se renouvelant tout le temps, mais laissant derrière elle des sourires de chiffon si bien croqués par Bertall, avec des traits simples mais d’une grande finesse, et un véritable amour de la vie parisienne et des Parisiens, en particulier des plus originaux qui mettent du chic dans des petits riens qui ensemble forment un grand et beau tout. Ce sont des réminiscences des hautes notions du rythme de l’Ancien Régime et de son panache, feu d’artifice continuel, qui s’éteint progressivement au XIXe siècle, ne laissant que quelques étincelles, aujourd’hui complètement mortes, mais dont des braises sont toujours présentes dans le cœur de certains. De toutes les façons, comme dit le Petit Prince, une sorte de petit-maître enfant blondin imaginaire : On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux.

Les Petits-maîtres de la Mode
Les Petits-maîtres de la Mode
Comme on le constate ci-dessus, au XIXe siècle les danses pratiquées dans les bals sont loin d'être monotones.
Les Petits-maîtres de la Mode
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Drôles de pistolets V : Le gandin et les grisettes

Merveilleuses et Merveilleux

Les petits-maîtres sont des adolescents ou des jeunes adultes. Évidemment, on compte aussi de vieux petits-maîtres, de vieux beaux (ou ex-beaux) et autres décatis, mais ceux-ci sont beaucoup plus rares et d’une génération précédente. Donc, comme beaucoup d’adolescents et de jeunes adultes de sexe masculin, ces gandins sont attirés par les filles ! S’ils fréquentent les petites-maîtresses, ils ne dédaignent pas aller butiner ailleurs, où les demoiselles sont aussi jolies mais de condition plus modeste. Les comédies des XVIIe et XVIIIe siècles mettent souvent en scène des petits-marquis, petits-maîtres ou autres jeunes chevaliers lorgnant du côté de la servante de la petite-maîtresse. Les grisettes font aussi l’affaire, surtout dans le Paris du XIXe siècle où celles-ci travaillent pour la plupart dans le secteur de la mode et sont coquettes, d’autant plus qu’elles ne sont souvent pas très farouches et beaucoup moins maniérées et ‘précieuses’ que les merveilleuses, cocodettes et autres crevettes. Les petits-maîtres et les petits-maîtresses ne sont pas tous non plus de haute condition… loin de là… Ils prétendent souvent, font des manières, entretiennent le mystère… Ils ont des allures qui les mettent au-dessus du style commun. Leur jeunesse leur permet de s’habiller élégamment ‘d’un rien’ dans un goût nouveau. Ils se vêtent différemment de la génération qui les précède. Si les habits sont auparavant longs, ils les raccourcissent ou les rallongent, et ainsi de suite dans un esprit de contradiction caractéristique permettant à la jeunesse du jour de s’affirmer, de se différencier et ainsi d’entrer dans sa vie autonome d’adulte.

Ci-dessus : Lithographie provenant du journal Le Charivari, du 1er décembre 1846 (le numéro inscrit est sans doute celui qu’a donné l’auteur à cette estampe dans la suite), de la série « Les grisettes », signée de Charles Vernier, (1813 – 1892) et ayant pour légende : « – Je vous présente mon ami Jules Frémichon…… il est le boute-en-train de la ville…… à Chaumont !…. » Ici des gandins noceurs draguent des modistes ou des chapelières. Charles Vernier a représenté les modes nouvelles dans des revues humoristiques, en particulier dans Le Charivari : les « travestissements parisiens », les bals de l’Opéra, les « physionomies des bals publics », les modes de Longchamp, les grisettes, etc. Le Charivari, qui serait le premier quotidien illustré satirique du monde, fondé le 1er décembre 1832, publie parfois des gravures de mode à la manière des journaux de mode de son époque.

Ci-dessous : Lithographie de la même série, du même auteur, du même journal, sans doute de la même année que précédemment et ayant pour légende : « Le siège de Sarragosse au Château rouge. – Voilà un quadrille un peu chochnosophe !….. mais ça ne fait rien, il devrait être défendu de faire des pluies de feu comme ça dans un lieu public où il y a tant de femmes enflammables [ainsi écrit] !….. » Nous sommes au bal parisien de Château rouge. La terminologie est un peu martiale, comme c’est la mode en particulier depuis le calicot. Le terme de « chochnosophe » est alors en vogue. Je renvoie à mes livres ceux qui ne connaissent pas ces termes et leur contexte. Les grisettes sont moins coquettes que ces gandins qui sont peut-être des calicots, des jeunes gens travaillant à Paris, des étudiants ou bien issus d’une jeunesse plus dorée. Je le répète, les styles comptent davantage que les conditions dans la petite-maîtrise.

Merveilleuses et Merveilleux

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L’armure : l’ancêtre du vêtement moderne

Les Tudors

Photographies ci-dessus provenant de l’article Les Tudors.

Aux XIIIe – XIVe siècles, s’opère un grand changement dans le vêtement occidental. On passe de l’un majoritairement composé d’une tunique et d’un manteau, à un autre principalement taillé et à la source de la manière de se vêtir actuelle. Je me suis longtemps demandé pourquoi ?

Durant l’Antiquité gréco-romaine, femmes et hommes s’habillent d’une tunique plus ou moins courte et d’un manteau drapé plus ou moins long. Au nord de la Méditerranée, le temps étant moins clément, certains se couvrent notamment les jambes avec ce qui est l’ancêtre du pantalon : la braie, ou bien avec ce que l’on appelle plus tard « le bas de chausse », une sorte de bas généralement de laine.

Au Moyen Âge, dans ce qui constitue l’actuelle France, on s’habille encore plus ou moins comme durant l’Antiquité jusqu’au XIIIe siècle. Les deux sexes portent deux tuniques (une de dessous et une de dessus), appelées « robes », et un manteau, tissu non cousu, tenu par une agrafe. Selon la condition de chacun, ces effets sont plus ou moins longs. Toutes les professions n’ont pas non plus les mêmes. La braie, les chausses et des vêtements plus taillés sont en particulier présents dans les métiers qui demandent des efforts physiques et ceux de la guerre. Comme je l’écris dans Les Petits-maîtres du style, Charlemagne (vers 742 – 814) s’habille dans la vie de tous les jours de manière franque, avec une robe (chemise) et un haut-de-chausses (braie gauloise) en lin. Par-dessus, une autre robe (tunique moulante) est entourée d’une ceinture de soie. Des bas-de-chausses (sans doute en laine) couvrent la partie inférieure de ses jambes et sont entièrement ceintes de bandelettes. Ses pieds se glissent dans des sandales. Un justaucorps de fourrure (peau de loutre) en hiver protège sa poitrine et ses épaules du froid. Son seul manteau est la saie (aussi écrit saye) des Vénètes (manteau court tenu par une agrafe au niveau de l’épaule). Son baudrier et la poignée de son épée sont en or ou argent. Les jours de grandes solennités cette dernière est enrichie de pierreries, son justaucorps est brodé d’or, ses souliers ornés de pierres précieuses, sa saie retenue par une agrafe d’or, et il porte un diadème d’or et de pierreries. Par deux fois uniquement, devant le Pape (Adrien Ier puis Léon III) lors de séjours à Rome, il s’affuble de la longue tunique, de la chlamyde et de la chaussure romaine, tenue qui reste celle de l’aristocratie en Europe à l’époque. La base de la ‘manière franque’ est donc, comme durant l'Antiquité, constituée de tuniques et d’un manteau drapé auxquels s’ajoutent les chausses ; sinon, on s’habille à la romaine.

À partir du XIIIe siècle, les habits deviennent progressivement beaucoup plus taillés, avec l’abandon progressif de la tunique (robe) chez les hommes, la chemise de dessous (ancêtre de la chemise actuelle) restant souvent la seule tunique encore employée chez ceux-ci à l’époque moderne, et l’usage des chausses et du pourpoint chez les hommes. L’habit devient donc beaucoup plus taillé, beaucoup moins drapé, et beaucoup plus ajusté au corps. Alors qu’auparavant il se pose sur ce dernier, dorénavant il sculpte la silhouette.

Depuis le dernier quart du Moyen Âge et jusqu’à aujourd’hui, l’habillement masculin garde une même base constituée de la chaussette (bas de chausse, bas, chaussette) du pantalon (braie, chausse, haut-de-chausse, culotte, pantalon), de la chemise, du gilet et de la veste, ces deux derniers prenant différents noms (pourpoint, juste-au-corps, veste, gilet, etc.) et du manteau.

Comment est-on passé du drapé au vêtement taillé, de l’habit enveloppant le corps à celui qui le sculpte ? Ce changement radical ne peut s’expliquer que par la sophistication des armures qui, en particulier à partir du XIIe siècle, deviennent des protections dans lesquelles on glisse le corps. Du reste, en même temps que l’habillement masculin devient très cousu et ajusté, il se rigidifie d’une manière parfois extrême, avec l’aide de multiples procédés dessinant la silhouette : rembourrage, amidonnage, boutonnage, vertugadin, etc., ce qui est particulièrement le cas au XVIe siècle.

Il n’est pas rare que le vêtement militaire impose de ses caractéristiques dans la mode masculine et même la féminine, comme pour le corset, le col haut et rigide, etc. L’armure non seulement doit avoir un rôle de protection, mais elle se doit d’être un minimum fonctionnelle afin d’altérer le moins possible les mouvements. Chaque partie est donc travaillée de manière autonome, et le tout assemblé. Il en est de même avec le vêtement moderne, depuis le dernier quart du Moyen Âge. Chez les deux sexes les manches sont souvent indépendantes et cousues, parfois à même le corps, le col peut être rapporté ainsi qu’une multitude d’autres éléments de l’ajustement afin d’être paré mignotement, comme on le dit au Moyen Âge, ornements qui pour la plupart n’existent pas avant le XIIIe siècle et qui sont très nombreux en particulier durant l’Ancien Régime. J’en donne une liste dans mon livre sur les Merveilleuses & les merveilleux.

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Drôles de pistolets IV : Les petits-crevés

Merveilleuses et merveilleux

Après les gandins (voir ici et ici) et les gentils hommes (voir ici), voici d’autres drôles de pistolets : les petits-crevés du Second Empire  !

Ci-dessus : « Cours d’anthropologie comparée, – par Nadar. » « –  Mossieu est d’un pays de vignobles ? –  Pourquoi cela, belle dame ? –  Parce que depuis trois ans que je vous rencontre, je vous vois toujours grêlé. » Cette lithographie est de Félix Nadar (1820 – 1910) et représente un petit crevé avec son apparence grêle, non seulement par sa corpulence, son attitude (il semble 'crevé') mais aussi par son acné. Le décor est celui d’un bal.

En 1867, ces personnages sont tellement à la mode que de nombreuses caricatures, ainsi que des chansons sont réalisées sur eux. Plusieurs ouvrages sont aussi édités, comme Cocottes et petits crevés d’Édouard Siebecker avec des dessins d’Alfred Grévin, Nos petits Crevés, attaque et riposte une pièce de théâtre d’un auteur inconnu et Les Petits crevés de MM. Alexandre Flan (1824 – 1870), Émile Lazare Abraham (1833 – 1907) et Jules Prével (1835 – 1889).

Ce dernier exemple est une pièce en quatre actes jouée la même année que l’édition ci-dessous. Comme son titre l’indique, ce vaudeville (à cette époque comédie entrecoupée de chansons) met en scène des crevettes et des petits-crevés. Dans le premier acte, un souper déguisé est organisé par ces jeunes gens. Les crevettes sont habillées en grisettes et les petits-crevés en muscadin, merveilleux, incroyable, dandy et le cinquième restant dans sa tenue de petit-crevé. On apprend beaucoup sur ce dernier genre et l’univers des cocodettes, biches, daims, lorettes, etc.

L’histoire est simple : Lors d’un souper déguisé les crevettes annoncent à leurs partenaires masculins qu’elles ont décidé de les abandonner, afin d’être libres pour l’exposition universelle parisienne de trouver des maris parmi les étrangers venus pour l’occasion. Au second acte, le petit crevé principal voit arriver chez lui, depuis la Bretagne, son oncle et sa cousine qui souhaitent se rendre à l’exposition universelle. Ceux-ci trahissent ses origines populaires. Son valet (cocher), qui croyait être au service d’un aristocrate, le quitte ne voulant pas travailler pour la roture. Le troisième acte se déroule sur le boulevard. Les crevettes, qui n’ont pas réussi à trouver de riches maris à l’exposition, veulent récupérer leurs crevés. Elles prennent l’oncle pour un riche voyageur Turc venant de l’Orient déguisé en paysan, alors qu’il vient de la campagne de Lorient en Basse-Bretagne. Au quatrième acte, évidemment tout est révélé et elles retrouvent leurs anciens amants.

Ce n'est pas du grand théâtre, mais doit être alors amusant à regarder ! Les comédies joyeuses sont très nombreuses durant l'Ancien Régime (opérettes, vaudevilles, etc.) ainsi que toutes sortes de spectacles gais (cabarets, cafés-concerts, etc.). Cela est en partie ou entièrement mêlé de musique et de chansons.

Au sujet de Félix Nadar, voir aussi cet article, c'est un caricaturiste ainsi que l'un des premiers photographes, comme l'est Bertall (1820 – 1882), un autre caricaturiste et photographe d'avant-garde dont il sera question dans un prochain article. Tous deux jouent un rôle important dans la diffusion des images de mouvements de mode et de leurs petits-maîtres.

Merveilleuses et merveilleux

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Une Marie-Chantal

Dans cet extrait du film Femmes de Paris (1953) de Jean Boyer (1901 – 1965), une Marie-Chantal est jouée par Micheline Dax. Ce genre de dame maniérée est immortalisé par Jacques Chazot (1928 – 1993). Il lui donne son nom, et compose de petites histoires drôles dont elle est le sujet, puis des articles dans la revue de mode Elle, avant de publier, en 1956, Les Carnets de Marie-Chantal. On retrouve ce personnage dans Les Petits maîtres de la mode et Merveilleuses & merveilleux.

Les Marie-Chantal sont sans doute les dernières coquettes. La coquetterie est autrefois, parfois ou souvent (je n'ai pas de statistiques sur le sujet), une sorte d'armure que certaines femmes portent afin d'affirmer leur liberté dans un monde dominé par les hommes. La libération féminine et l'égalité hommes-femmes, avec le droit de vote (1944) et la pilule contraceptive (1968) notamment, changent la donne. Pourtant, de la coquetterie serait nécessaire de nos jours, chez les deux sexes, car c'est l'être humain dans son entier qui est chaque jour humilié ou qui s'humilie par son aliénation.

D'une manière générale, l'extravagance est une revendication d'autonomie. C'est pour cette raison que les mouvements de mode naissent et se développent pour la plupart chez les adolescents et jeunes personnes, s’émancipant de leur enfance et de la tutelle familiale, en créant et suivant les rythmes nouveaux, ou en se démarquant, comme le font les Marie-Chantal, qui ressemblent à de véritables extraterrestres ayant leurs us et coutumes assez 'extraordinaires', jugées comme ridicules et sans doute jouées consciemment ou inconsciemment par elles de cette manière. Le second degré a son importance, surtout dans le monde de la petite-maîtrise qui interprète sérieusement le jeu de l'inconséquence, de la futilité...

En 1955, Judith Magre (née en 1926) joue le personnage de Marie-Chantal au théâtre La Fontaine. « Mais QU’EST-CE QUE C’EST que celui-là… Il est BAROOOOQUE ! » dit-elle à un moment de la pièce. Ce genre de réplique est déjà présente chez les coquettes des XVIIe et XVIIIe siècles mais plus du tout de nos jours.

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Politesses et expressions imagées et fleuries

Il suffit que quelqu’un m’explique comment être poli, ce qui m’arrive relativement souvent, pour que je n’exprime plus aucune politesse… et il m’est difficile ensuite d’avoir envie d’en avoir vis-à-vis de ces personnes qui de plus me semblent très éloignées de mes notions. J’ai bien conscience que ces dernières sont très restreintes… mais tant que je ne vois pas en quoi, je ne m’abaisse jamais à être poli par force. Pour moi, la politesse est avant tout un plaisir… un bonheur d’être avec… une sorte d’amour, moins fort que l’amitié… mais tout de même… un amour de l’humanité et du vivre ensemble… un plaisir donc. Lorsque cela est une contrainte, cela devient une contrariété. J’ai bien conscience que beaucoup attendent de la politesse à leur égard, comme un dû, une obligation. Si on ne leur accorde pas, certains peuvent être violents. Mais elle ne consiste pas à se comporter comme une machine, un robot, un être déshumanisé. Ce n’est pas l'expression d'une rigidité. Elle n’est pas non plus quelque chose derrière laquelle on se cache. Elle est une ouverture de soi vers l’autre et de l’autre vers soi, avec tact et retenue bien sûr. Sans cette réciprocité, il ne peut y avoir de politesse. Les manuels de savoir-vivre et autres leçons du même genre ne donnent que des outils. Un outil n’est pas une fin en soi, il n’est qu’un instrument. Comme pour la musique, il ne suffit pas d’exhiber un instrument pour savoir en jouer. Enfin ce que j’en dis… Personne ne m’a jamais complimenté pour mes manières, si ce n’est quand j’étais enfant. Peut-être suis-je trop sensible, ce qui me donne l’apparence d’un être rugueux… voire antipathique. Ce qui est sûr, c’est que l’on me traite constamment d’impoli, de discourtois… et à chaque fois je ne trouve pas que ce soit le cas. Je me fais même régulièrement agressé pour cela. Peut-être ne suis-je pas à la bonne époque. Alors j’écris, j’écris et j’écris encore, comme le 'cancre' de l’école de Jacques Prévert : « Avec des craies de toutes les couleurs / Sur le tableau noir du malheur / Il dessine le visage du bonheur. »… ou, dans mon cas, essaye de le faire, avec des compositions verbales qui ne sont qu'une musique, un amusement, un partage gracieux, car il n’est pas besoin de longues explications aux gens intelligents : Intelligenti pauca !

La politesse change selon les cultures et avec le temps. La principale forme de salutation française, qui n’est presque plus du tout en usage mais qui l’était quotidiennement dans l’Ancien Régime, est bien sûr la révérence, ou ‘salut à la française’, depuis celle qui se pratique avec une génuflexion prononcée des deux genoux, jusqu’à la simple inclinaison du haut du corps, voire simplement de la tête (mais découverte chez les hommes ou la main au chapeau).

En signe d’un au revoir, il y a encore peu de temps, on pouvait dire un « À l’avantage ! » qui signifiait : « À l’avantage de vous revoir ! ». Aujourd’hui on dit encore parfois « Au plaisir », pour « Au plaisir de vous revoir ».

Enfin les politesses oubliées sont nombreuses et je n’ai pas fait de recherche dans ce sens.

Évidemment, le gandin évite toutes grossièretés, mais il est inutile d’être poli vis-à-vis de gens malhonnêtes et situations que l’on considère comme grossières  ; ce qui serait une lâcheté. Appeler un chat un chat n’est pas vulgaire, c’est la vérité. Être mielleux n’est pas une forme de politesse, ni, je le répète, cacher des ordures derrière la politesse. Cette dernière n’est pas non plus une soumission.

L’interjection, bien que parfois dangereuse, peut même être salutaire. L’origine de ce terme exprime pourquoi. Il vient du latin interjectio : jeter entre, intervalle… Il s’agit d’une parenthèse dans l’espace, d’un moment rapide que l’on ne maîtrise que peu, une insertion cathartique. Il est important de ne pas garder en soi les agressions extérieures, sinon on devient malade. Il est souvent peu aisé de ne pas les laisser entrer. Il faut donc trouver un moyen de les évacuer. Comment ?

Dans la rapidité de la surprise, il est parfois difficile de ne pas exprimer un juron. Les petits-maîtres ont souvent répugné à en formuler… Certaines coquettes du XVIIe siècle ne pouvaient pas même imaginer prononcer le mot « fesse », employant à la place une circonvolution ou une circonlocution (non ce n’est pas un gros mot).

De nos jours, les films américains et même anglais sont parfois truffés de termes obscènes… et dans les français on en entend de plus en plus. Le gandin évite bien sûr d’en dire. S’il lui arrive d'être surpris, dans la faiblesse d’un instant d’égarement, qu’il utilise les mots ci-dessous. Pour cela qu’il s’entraîne…

En latin, « ordure » se dit caenum. C’est un peu long. « Vil » est très bien. Cela signifie : bas, abject…, avec la même étymologie que « vilain » et « vilenie ». Une avilance est un opprobre, un outrage, une injure, une infamie.

Un « zut » peut être suffisant, mais n’est pas très cathartique ; « purée » peut-être un peu plus. Un simple « ouahou » suffit à évacuer la gêne. Mais « zut » est plus précieux. Ce mot viendrait du latin ut. « Zut », « ut », « hut » et « flûte » sont des interjections semblables employées depuis longtemps. Le ut est aussi la première des notes de la gamme et de l'échelle des sons. En ancien français, le gaméut désigne, semble-t-il, la base d'un savoir.

On peut exprimer son mécontentement par un « fat », ou bien par « arsouille » ou « cuistre ». Un arsouille est une personne vile, une canaille. Un cuistre est un imbécile qui se proclame savant et qui a de la prétention à briller.

On entend beaucoup de personnes dire « p_ _ _ _ _ ». Je me rappelle, étant enfant, m'étant renseigné afin de savoir ce que ce mot signifiait. « Pitié » peut le remplacer, ou bien un autre assez joli et ancien : « pitaut », qui veut dire campagnard. Ce terme, non seulement se substitue parfaitement au premier, mais en plus remémore une atmosphère rurale. Il a sans doute une connotation assez péjorative, car « piteux » ou « pitoyable » ont la même racine. Pierre de Ronsard (1524 – 1585) l'emploie dans ce passage d'un de ses poèmes :

« Je voudrais être un pitaut de village,
Sot, sans raison et sans entendement,
Ou fagoteur qui travaille au bocage :

Je n'aurais point en amour sentiment. »

Traiter une personne de « Béotien » équivaut à lui dire qu’elle est un peu 'rustre', sans savoir un peu fin. Mieux encore est « béotiste » ; ce n’est pas dans le dictionnaire mais « béotisme » si, et cela ajoute une pointe personnelle marquant la distanciation avec le personnage. Certains préféreront peut-être « Pharisien », ce qui signifie hypocrite. Ce mot fait référence à la culture chrétienne, alors que le précédent à l'Antiquité humaniste.

Une personne stupide ou impertinente est une ou un pécore. Une pecque est une femme sotte et prétentieuse. Une gaupe est une femme malpropre et désagréable. Il faut faire attention à ne froisser personne, car les imbéciles n’aiment pas être traités comme tels… Ils préfèrent qu’on les trouve amusants. Du reste, le grotesque est une des bases du comique… du tragique aussi… Tout cela est du domaine de la comédie ! Donc mieux vaut dire des mots qui font sourire, sans piquer afin de ne pas aggraver la situation, quitte à paraître ridicule; le principal étant que ces mots ne soient pas pris en trop mauvaise part, et que l’on ne se sente pas honteux de ce qu’ils expriment. Et puis pourquoi être méchant ? S'abaisser à l'être est de la bêtise.

Dans le cadre de la circulation sur roues, traiter un mauvais conducteur de « charretier » (conducteur de charrette) est plutôt amusant.

Les Québecois ont d’intéressantes interjections, comme « gué » qui exprime la joie, « accré » qui est un signal avertissant d'un danger et « accré gué » qui veut plus ou moins dire qu'il faut faire attention. « Acré » (méfiance !) ou « acrie », « accrès »… (l'orthographe n'est pas établie pour ce mot) était encore utilisé en France il y a quelques dizaines d’années.

Mais peut-être en connaissez-vous de meilleurs ?

Pour conclure, je me permets d'adresser aux lecteurs de cet article, bons entendeurs, l'expression de mes sentiments distingués ! Les sentiments au sens large sont tout ce que nos sens (âme comprise) perçoivent. Exprimer ses sentiments distingués consiste donc à faire part de (partager) ce que l'on possède de plus fin.

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Les merveilleux en Chinois dans les années 1810

Les Petits-maîtres de la Mode

Comme vu dans la dernière gravure du précédent article (photographie ci-dessous à gauche), dans les années 1810 certaines merveilleuses s’habillent ‘à la chinoise’. D’autres estampes évoquent cette ‘chinoisomanie’, comme la N°63 de Le Bon Genre intitulée « La Toilette Chinoise », datant de 1813 et visible ici.

Alors que dans la première, provenant de la série Incroyables et Merveilleuses (Paris, Le Journal des Dames et des Modes, 1810 – 1818), seule la coiffure est dite « asiatique », dans Le Bon Genre on remarque que la coiffure l’est, mais aussi que la robe et les chaussures le sont. Ce qui caractérise la coiffure, c’est sa hauteur, avec un chignon avec des tresses.

La gravure ci-dessus a été coupée très court. On ne peut donc pas y lire les légendes, mais il s’agit d’une estampe de la série Caricatures Parisiennes, intitulée : « Encore des Chinois » et de 1813. On retrouve la chevelure et la robe ‘à la chinoise’, pour le reste… il n’y a pas grand-chose rappelant la Chine, mis à part quelques détails comme la moustache ou la barbe effilée des hommes ou le toupet au sommet du crâne de l’un d’entre eux, de même peut-être que les bijoux des merveilleuses, l’ombrelle et les robes.

En France, les chinoiseries sont à la mode dans les arts décoratifs et même parfois les habits depuis que les Compagnies des Indes rapportent d’Asie des porcelaines et des laques parcourues de personnages et de scènes qui paraissent très oniriques pour le monde occidental, tellement qu’un imaginaire se crée d’un Orient fabuleux.

Dans l’Ancien Régime, la France garde donc une vision idyllique et imaginaire, voire fantasmagorique de la Chine. Les chinoiseries font fureur depuis en particulier la seconde partie du XVIIe siècle jusqu’au XVIIIe inclus… et encore par la suite comme on le voit dans cet article notamment. On en retrouve partout, jusqu’à des sortes de pagodes édifiées dans des jardins eux aussi reprenant des motifs ‘à la chinoise’ de rochers percés, etc.

Au temps des petits-maîtres ici représentés, à Paris, sur le Boulevard des Italiens, les Bains chinois sont en vogue. Il s’agit d’un établissement de bains publics, édifié en 1787 et détruit en 1853. Son architecture imite la chinoise et comprend de fausses grottes desquelles un café donne sur le boulevard, de même qu’un restaurant et une boutique de mode.

Je donne quelques exemples d’images de chinoiseries occidentales sur céramiques ici, ici, ici, ici, ici et une céramique produite en Chine au XVIIIe siècle avec un décor occidental ici. Sur la laque de Chine voir ici.

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Horace Vernet, L.-M. Lanté et G.-J. Gatine : des illustrateurs de mode du début du XIXe siècle

Les Petits-maîtres de la Mode

Le Journal des Dames et des Modes est sans aucun doute la plus célèbre revue de mode de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe, du temps des incroyables, belles, et autres merveilleuses et merveilleux. Elle est fondée à Paris en 1797, et se poursuit jusqu’en 1839. Pierre de La Mésangère devient rapidement son directeur. Chaque numéro possède une gravure de mode. Le dessinateur et le graveur qui sont à l’origine de l’estampe signent rarement. Il est donc difficile, voire impossible d’identifier les auteurs. Pour Horace Vernet (1789 – 1863) c’est différent, car il insère un monogramme au bas de son dessin. Mais le fait-il systématiquement ou occasionnellement ?

Ci-dessus, de gauche à droite, dessins gravés d’Horace Vernet provenant du Journal des Dames et des Modes :
– Signature d’Horace Vernet.
– Planche n°1372, datée de 1814 : « Chapeau et par-dessus Garnis de Rouleaux. »
– Planche n°1434, de 1814 : « Robe de mérinos garnie d’une bande de pluche-velours. »
- Planche n°1596, datant de 1816 : « Chapeau de Gaze. Châle de Tissu. Robe de Perkale. » Elle est signée « HV » et « B ».

Ci-dessous : Planche n°1566, datant de 1816,  : « Chapeau de paille d'Italie. Robe de Perkale. » Elle est signée « HV. » et « B ».

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Ci-dessous : Planche n°1662, de 1817, représentant un enfant habillé de « Chapeau de paille. Robe et pantalon de perkale. » On a les signatures « HV » pour le dessinateur et « B » pour le graveur. Cet enfant peut aussi bien être une fille qu’un garçon, car dans l’Ancien Régime, dans leurs premières années les enfants des deux sexes sont habillés de la même façon, en robe.

Les Petits-maîtres de la Mode

Horace Vernet est le fils d’un autre peintre/dessinateur célèbre : Carle Vernet (1758 – 1836). Ce dernier est à l’origine de quelques représentations de scènes avec des merveilleuses et des incroyables, dont les gravures deviennent célèbres, comme celles ci-dessous.

Ci-dessous : deux gravures dont Carle Vernet est le dessinateur, avec « Les Mérveilleuses » (ainsi écrit) et « Les Incroyables ».

Les Petits-maîtres de la Mode
Les Petits-maîtres de la Mode

Collègue d’Horace Vernet, Louis-Marie Lanté (1789 – 1871) collabore encore plus activement que lui avec Pierre de la Mésangère, notamment en fournissant une grande quantité de dessins pour sa revue Journal des Dames et des Modes. Je ne connais aucune gravure de ce journal signée par lui, car comme dit précédemment, il est rare que les artistes indiquent leur nom sur ces estampes. Georges-Jacques Gatine (1773 – 1824) est le graveur de la plupart de ses œuvres. L.-M. Lanté dessine aussi les merveilleux et les merveilleuses ainsi que les modes populaires régionales et des ouvrières (grisettes) de son époque. La gravure présentée ci-dessous est la planche « N°68 » de Costumes de femmes du pays de Caux et de plusieurs autres parties de l’ancienne province de Normandie, dessinés par L.-M. Lanté, gravés par G.-J. Gatine et avec des notices de Pierre de la Mésangère (Paris, imp. le Goupy, 1827). Avec les mêmes et Horace Vernet, il est à l’origine de : Incroyables et Merveilleuses (Paris, Journal des Dames et des Modes, 1810 – 1818). Avec G.-J. Gatine et P. de la Mésangère, il compose Les Ouvrières de Paris (Paris, Journal des Dames et des Modes, 1816 – 1827, suite aussi connue sous le titre Costumes des Grisettes et Ouvrières de Paris ou Costumes des Marchandes et Ouvrières de Paris) et Galerie française de femmes célèbres par leurs talents, leur rang ou leur beauté (Paris, Journal des Dames et des Modes, 1827).

Les Petits-maîtres de la Mode

Ci-dessus : « Costume de Cosville, près Dieppe ». Gravure sculptée par « Gatine » d’après un dessin de « Lanté ». Cette Normande est en train de filer. Elle est parée notamment d’un étonnant col fraisé, partant du cou et montant jusqu’au-dessus des tempes !

Ci-dessous : Gravure d’un journal de mode de « Mars 1842 », avec les signatures de Lanté comme dessinateur et Gatine comme graveur, ce qui montre la longue collaboration établie entre ces deux artistes.

Les Petits-maîtres de la Mode

Ci-dessous : Merveilleuses dessinées par Horace Vernet provenant de Incroyables et Merveilleuses (Paris, Le Journal des Dames et des Modes, 1810 – 1818). Ces estampes sont collées sur un support et très tâchées. Mais un original, même abîmé, vaut mieux qu'une belle copie. Pourtant, il m'est souvent arrivé de trouvé des copies vendues plus cher ! Il en est de même pour les  personnes originales : Un merveilleux qui en a l'esprit mais pas le moyen de l'apparaître est beaucoup plus intéressant qu'un individu qui ressemble à un merveilleux mais n'en a pas l'esprit. Même si l'apparence fait beaucoup dans l'univers de la petite-maîtrise, un original reste toujours plus intéressant qu'une copie, sauf bien sûr, si cette copie est une réinterprétation personnelle qui devient alors originale. Dans ma collection, je ne possède pas un exemple de cette suite exécuté par MM. Lanté et Gatine. À l’époque de cette parution, on appelle les petits-maîtres de l’époque encore « merveilleux » et « merveilleuses », parfois « incroyables » et de bien d'autres noms, comme « belles », « beaux », etc. Voir le livre Merveilleuses & merveilleux.

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Ci-dessus : « Paris Merveilleuse N°2 » « Horace Vernet Del. » « Capote de Perkale écrue. Fichu et Brodequins écossais. Ombrelle de Perkale. »

Les Petits-maîtres de la Mode

Ci-dessus : « Paris Merveilleuse N°4 » « Horace Vernet Del. » « Coiffure Asiatique. Robe de Bal Rayée en Rubans. » Dans les années 1810, certains merveilleux s’habillent ‘à la chinoise’, comme nous le verrons dans un prochain article. Ici la robe allie la simplicité à des ornements de franges, rubans, nœuds et fleurs, ainsi que de délicates superpositions.

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Fruits sauvages du mois d’août !

Fruits sauvages d'Ile de France

Fruits sauvages comestibles récoltés lors d’une seule sortie en forêt d’Île-de-France au mois d’août, avec des pommes sauvages, des mûres, des prunelles, des cenelles, des baies de sureau noir, des cornouilles, des fruits de l’alisier torminal, des nèfles et des noisettes.

J’aurais pu y ajouter des cynorrhodons, des poires sauvages, des fruits de l'épine-vinette, des cormes (devenues très rares) et quelques autres. La plupart de ces fruits (certains comme la pomme ou la poire sont des faux-fruits) appartiennent à des arbres ou arbustes, mis à part pour la ronce et l’églantier. Sur certains chemins plus aménagés mais encore rustiques et quelques parcs pas trop éloignés de la forêt, plusieurs sortes de prunes sont disponibles : mirabelles, reines-claudes, prunes d'ente, quetsches, etc. Je connais un chemin possédant ces quatre sortes de prunes !

Des fruits plus petits sont présents sur d’autres plantes sauvages, dont certains sont comestibles, comme pour les mauves (dont les fruits sont appelés fromageons). À cela s’ajoutent des graines de graminées et d’autres végétaux comme le panais sauvage, la carotte sauvage, la berce, le cumin des prés, etc.

Toutes ces plantes sont présentes en Île-de-France ! Des fruits sauvages sont mûrs à d’autres périodes de l’année, comme au mois de juin les merises, les cerises (provenant de cerisiers plantés par l’homme), les groseilles sauvages et les fraises sauvages, en septembre les noix (le noyer ne pousse pas spontanément mais est planté parfois à la lisière des forêts ou dans des parcs), en octobre les châtaignes et les faînes, etc.

Mon esprit libertaire et nomade s'envole en fonction des vents qui le portent, récoltant les fruits qu'il sait reconnaître sur son chemin, au milieu de cette corne d'abondance qu'est le monde.

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PRIÈRE III : MANGER CONVENABLEMENT

Les Petits-maîtres de la Mode

Prier, c’est rendre grâce et demander la grâce. La grâce est nécessaire, vitale même. Sans elle, rien ne se fait de bon, et c’est sans doute pour cela que le monde contemporain, qui en manque cruellement, nous joue un très mauvais spectacle.

Manger est nécessaire à l’être humain. Durant ce moment, il montre, par ce qu’il ingurgite et de la façon dont il le fait, de quel genre il est, quelle grâce le soutient, quels sont ses rythmes. Se nourrir doit être une communion, un partage, et ce partage ne peut se réaliser que si aucun être sensible n’en souffre. Personnellement je suis végétalien, et de plus allergique au gluten, ce qui ne me facilite pas les relations sociales. Cependant, je ne peux concevoir que pour me nourrir je fasse du mal à d’autres êtres sensibles.

De nos jours, il est difficile de trouver des aliments de qualité. Tout d’abord, presque tous ceux proposés à la vente sont industriels. Même les produits bios sont souvent empaquetés dans du plastique. Les ajouts de sucre, sel et autres adjuvants aux nourritures industrielles en font de véritables petites bombes chimiques ! Même lorsqu’on essaie de manger des produits simples, il est difficile, voire impossible, de connaître leur provenance. C’est le cas pour les végétaux dont il n’est jamais indiqué le nom de l’espèce (avec son nom latin). On ne sait donc pas s’il s’agit d’une variété récente ou ancienne, etc. À ce sujet, j’ai une anecdote très intéressante m’étant arrivée :

Merveilleuses et merveilleux

J’ai travaillé pendant un temps au Sénat, pour un sénateur socialiste. Je dois dire que je ne suis d’aucun parti politique… bien qu’aimant la politique… et c’est pour cette raison que je n’ai pas cherché à rester à la Haute assemblée. À cette époque, je fréquentais une AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne), où je discutais souvent avec un paysan. Un jour, celui-ci me dit qu’il faudrait faire une loi obligeant les vendeurs de fruits, légumes et autres plantes, d’indiquer le nom de celles-ci. Il pensait que cela empêcherait notamment la propagation des plantes OGM, les gens pouvant se renseigner sur la plante. Trouvant que c’était une bonne idée, je profitais d’un projet de loi passant au Sénat où il était question d’agriculture, pour écrire un amendement allant dans ce sens, que je proposais au sénateur. Celui-ci l’accepta, de même que le collaborateur du parti socialiste… Même l’administrateur du Sénat en charge de ce projet de loi le trouva intéressant, ce qui m’étonna beaucoup. Je m’attendais maintenant à une opposition des grands groupes de l'alimentation, mais qu’elle ne fut pas ma surprise de constater que la boîte de messagerie du sénateur contenait seulement sur ce sujet un message de la Confédération paysanne vent debout contre cet amendement, prétextant des raisons loufoques. Puis ce fut un second message de leur part avec d’autres raisons aussi étranges. Finalement, quelques jours après, un troisième message lançait un nouvel argument : obliger d’indiquer le nom de la plante empêcherait les agriculteurs proposant des espèces locales non référencées de les vendre. Le parti des écologistes, qui était alors intégré au parti socialiste au Sénat, ‘tomba’ contre mon sénateur, jusqu’à ce que celui-ci céda en retirant cet amendement. Même le paysan qui m’avait donné l’idée, s’était fait convaincre par ses confrères que c’était une très mauvaise chose. Pourtant, au contraire, je pense toujours que c’est une très bonne idée ; d’abord parce que le consommateur a le droit de savoir ce qu’il mange, ensuite parce qu’évidemment cela empêcherait de vendre des plantes manipulées génétiquement. Et puis cela ne nuirait pas aux espèces locales… contrairement à l’argument lancé… au contraire ! Du reste, il existe des dérogations pour les races primitives et variétés agricoles naturellement adaptées aux conditions locales et régionales et menacées d’érosion génétique, et je n’ai jamais entendu parler d’une interdiction de vente de variétés anciennes ! Je pense que même parmi les espèces non OGM, mais relativement nouvelles et homologuées, beaucoup sont mauvaises. Je m’en suis rendu compte en devenant intolérable au gluten. Ne mangeant que des produits bio, j’en ai déduit que le problème était sans doute dans les variétés des plantes céréalières que je mangeais et la façon dont on les cultivait. Mais impossible de savoir desquelles il s’agissait. Par exemple, pour le blé, il existerait cent-cinquante variétés inscrites au Catalogue officiel français des espèces et variétés de plantes cultivées créées par dix entreprises de sélection et près de cinq-cent-trente au Catalogue européen. Celles-ci peuvent très bien être sans OGM et en agriculture bio. Ce que cette anecdote nous apprend aussi, c’est que la véritable écologie n’est pas toujours là où on le croit… au contraire… Si dans cette histoire je ne m’attendais pas à une chose, ce fut que la Confédération paysanne et les écologistes soient contre une idée plus que merveilleuse par sa simplicité et son efficacité !

Donc, nous ne savons souvent pas ce que nous mangeons… en particulier les citadins. Même ceux qui ont leur jardin potager doivent faire attention aux variétés cultivées. La nourriture est tellement frelatée que de nombreuses maladies contemporaines lui sont liées : allergies, surpoids, diabète, rhumatismes, etc. L’obésité devient même fréquente. Face à cela, l’industrie alimentaire a trouvé une parade : Faire de l’obésité non seulement une norme mais une mode. Plusieurs films et téléfilms américains sont sortis ces dernières années mettant en valeur les gens obèses et fustigeant ceux qui pourraient être critiques vis-à-vis de cet état. Plusieurs acteurs américains sont même devenus progressivement obèses ! Pourtant, mis à part quelques rares cas congénitaux ou liés à d’autres maladies, l’obésité est une maladie souvent en relation avec un manque d’hygiène alimentaire. Le nier, ce n’est certainement pas aider les personnes qui en souffrent.

À cela s’ajoutent diverses formes d’égoïsmes alimentaires. Par exemple, en région parisienne, la plupart des épiceries vendant des produits régionaux ont disparu, remplacées par des supermarchés et des épiceries exotiques. Nous savons que si nous voulons aider notre environnement, nous devons manger local… Dorénavant, il est devenu très difficile de le faire. Personnellement, je consomme beaucoup de plantes sauvages que je cueille dans des forêts et campagnes à l’écart des grandes urbanisations depuis plus de vingt années. Je ne peux même imaginer faire autrement en étant végétalien, car où sinon trouver des aliments de qualité ? À chaque mois quelque chose de nouveau ! Au mois de mars, je passe du temps à récolter la sève de bouleau pour la consommer en cure, et cueille de la violette odorante si elle est abondante (ce qui est de moins en moins le cas). En avril, je ramasse des jeunes pousses de fougère aigle et les prépare pour les manger. Je consomme aussi les feuilles de certains arbres, comme celles des tilleuls qui font une merveilleuse farine. Au mois de mai, je réalise des beignets de fleurs de sureau noir, de fleurs d’acacia, de feuilles de consoude ou de jeunes pousses d'armoise. En juin, je cherche des fraises sauvages, merises, cerises, groseilles, etc. En juillet, beaucoup de plantes aromatiques sauvages fleurissent comme des menthes, l’origan, le serpolet, l’ail, etc. Août est le mois des fruits : mûres, pommes, cenelles, prunelles, baies de sureau noir, cornouilles, fruits de l’alisier torminal, cynorrhodons, noisettes, etc. Septembre est celui des champignons. En octobre, de nouveaux fruits se ramassent, comme les châtaignes, faines, noix… Toute l'année, même en hiver, je me fais des salades et soupes aux plantes sauvages, délicieuses et toujours surprenantes. Et ce ne sont que quelques exemples d'usages alimentaires 'sauvages' parmi de nombreux autres.

Si ce que l’on mange est important, la manière de le faire l’est aussi. En France, il existait un véritable art de la table, comprenant des usages de savoir vivre, de savoir déguster, de savoir partager, de savoir servir, de savoir être servi, etc., et une quantité d’objets liés à cet art de la table. Notre pays excellait dans la fabrication de ces objets, particulièrement dans l’orfèvrerie, mais aussi dans la céramique et la verrerie, sans compter des productions alimentaires de qualité.

Pour conclure cette prière : une pensée pour ceux qui ont faim. La faim est une chose affreuse que l’on ne peut comprendre qu’en ayant été confronté à celle-ci. Autrefois, des famines sévissaient en Occident. Elles ont été arrêtées avec l’introduction de la pomme de terre, aliment complet et très facile à cultiver. C’est resté un des aliments les moins chers jusqu’à il y a une trentaine d’années. Aujourd’hui, dans certaines épiceries bios, le kilo de pommes de terre nouvelles peut approcher les 5 € !

La surpopulation mélangée à l’industrialisation de la production agricole et aux diverses pollutions, créent un mélange dangereux… qui vaut bien une petite prière !

Je souhaite un bon appétit à chacun et de la grâce !

Merveilleuses et merveilleux

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Imaginer ce qui nous dépasse

En cette période estivale, je prends quelques vacances de l’univers des gandins et de l’art, mais ne peux me contraindre à ne plus écrire, et mon repos m’emporte vers un certain mysticisme…

Il existe bien plus que ce que l’on croit. Le monde est grand, d’une grandeur que l’on ne peut concevoir. On baigne au milieu de cette infinité et ce que l’on ne serait appréhender. Nous avons constamment des signes de cette réalité autre, différente, multiple, inconcevable. Nous lui donnons parfois des formes, des bruits… en avons une intuition par nos sens qui en quelque sorte les recréent pour les appréhender, car nous ne pouvons faire autrement, ou nous ne savons pas le faire.

J’ai souvent été étonné de constater la manière dont les croyances ont attribué des formes communes à ce qui ne l’est pas. On a donné aux ‘divinités’, à ces réalités autres, des aspects d’humains, d’animaux, de végétaux… présents autour de nous, de notre ordinaire, de notre univers coutumier. Dans la religion catholique on trouve des références à l’univers pastoral, avec le berger (le Christ ou le dignitaire religieux), les moutons (ses fidèles) et un diable à tête de bouc ! Chez les Tibétains, dont j’ai étudié pendant plusieurs années les philosophies, certaines divinités sont en partie zoomorphes, avec une tête de cheval, de yak, etc. Cela fait penser à celles de l’Égypte antique.

Non seulement on a figuré l’inconnu, mais continue de le faire à travers notre réalité… même quotidiennement… peut-être même à chacun de nos souffles. Qui n’a pas eu parfois l’impression, à certains moments, de rencontrer de manière récurrente des personnes ou des situations semblables, qu’une même 'image' se répercutait comme les reflets d'un cristal taillé ? Ainsi a-ton créé des religions, chacune différente et pourtant toutes se voulant la véritable, donné des formes artistiques, des mots, élaboré des histoires, suivi des sages, prophètes, saints, artistes, philosophes et autres faiseurs de ‘mots’, de ‘réalités’ nous réconfortant… alors que d’autres nous effraient. Afin d’avoir l’impression de ‘tenir’ tout cela harmonieusement, on a aussi fabriqué des rites, des manières, des façons, des modes… dans une sorte de danse commune…

Tiens, j’en reviens à la mode. L'être humain fonctionne à travers des modes (la mode et le-s- mode-s-...) des styles… une sorte de jeu.

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Prière II : Boire une eau pure

Vivre d'amour et d'eau fraîche

Si respirer est sans doute la première des nécessités humaines (voir article précédent), la seconde est peut-être d’avoir à disposition une eau saine. Là aussi, c’est de moins en moins le cas.

Vivre d'amour et d'eau fraîche

La France compte un approvisionnement en eau exceptionnel, avec de nombreux cours d’eau, sources, eaux thermales, etc. Cette eau est de plus en plus polluée, notamment par l’agriculture intensive, le tissu urbain qui ne fait que croître et l’industrie… L’eau du robinet devient douteuse, et même les eaux minérales affichent des taux de nitrate, ce qui est un indice de pollution ! Ces dernières sont généralement vendues dans des bouteilles en plastique ! Cependant, lors de mon escapade courageuse voire héroïque dans une grande surface, péripétie que j'évoque dans mon article précédent, j’ai trouvé un rayon avec peut-être une vingtaine d’eaux minérales différentes vendues dans des bouteilles en verre de un litre. Les prix frôlaient les 2 € et pouvaient monter jusqu’à près de 5 € la bouteille ! Si le simple fait de respirer de l’air pur devient problématique et une richesse de moins en moins accessible, il en est de même pour l’eau !

On dit que l’on peut vivre d’amour et d’eau fraîche. Pour cette dernière, cela devient compliqué. Quant à l’amour aussi, mais là c’est un autre sujet !

Vivre d'amour et d'eau fraîche

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Prière I : Respirer

Saponaire

Il n’est pas nécessaire d’appartenir à une obédience pour prier. Tout le monde peut le faire. La prière n’est pas un privilège accordé seulement à certains. Cet article en est donc une, la première, car j'en écrirai sans doute d'autres pendant cette période estivale.

D’abord situons-la. La semaine dernière, je suis allé me promener en forêt. Il ne faisait ‘que’ 25°, mais l’air y était lourd. En sortant de cette nature, où je me ressource chaque semaine, j’ai dû traverser des lotissements construits récemment : des immeubles et des étendues de bitume couvrant la terre et faisant ressembler ce genre d’endroit à un véritable désert moderne. Une forte odeur de pollution empestait. Avant de rejoindre le train de banlieue, je suis allé dans une grande surface. Là, une autre émanation pestilentielle, autre remugle des temps modernes, remplit mes narines, cette fois celle d’une atmosphère tout autant polluée mais confinée et climatisée, dans un espace de plusieurs centaines de m² sans murs, une atmosphère irrespirable !

Il n’y a pas qu’en banlieue parisienne qu’on ne peut plus respirer convenablement, dans la capitale aussi, et sans doute dans toutes les grandes agglomérations. Pourtant, on en crée de toujours plus immenses. Encore une fois, l'Île-de-France fait office d’exemple désastreux. Dernièrement, je lisais au tout début de la page internet consacrée au Grand Paris du Ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales cela : « Le Nouveau Grand Paris est un projet d’aménagement à l’échelle de l’agglomération parisienne. Il a vocation à améliorer le cadre de vie des habitants, à corriger les inégalités territoriales et à construire une ville durable. » Voilà un exemple de novlangue dans lequel dire c’est être. Puisqu’on vous le dit ! Généralement dans ces cas-là, ce que l’on affirme être est exactement le contraire de la réalité. Bien évidemment, le Grand Paris n’améliore pas le cadre de vie des habitants qui se retrouvent de plus en plus éloignés de leur lieu de travail et d’une vie saine exempte de pollution ; cela crée aussi de grandes inégalités territoriales, et bien sûr cela n’a rien de « durable », d’écologique, les environnements notamment naturel et patrimonial étant saccagés.

Saponaire

À la fin de ce mois de juin 2019, il y a eu une canicule. On était qu’au début de l’été ! Comment ce dernier va-t-il se passer ? Ce qui est sûr, c’est que des journalistes, scientifiques et politiques de tous bords alertent sur le changement climatique depuis longtemps. Mais les décideurs ne font rien ou font semblant de le faire. Pour un pas en avant, c’est dix en arrière (voire vingt) tout en regardant toujours vers la bonne direction, pour faire semblant. On ‘bitumise’ et bétonne largement, crée de grandes agglomérations, détruit des paysages, incite aux mouvements des foules qui consomment littéralement la terre, remplit le ciel de satellites et d'avions, etc.

Que faire ? D’abord prendre soin de nous et de notre environnement proche… d’une manière saine comme cela devrait toujours être le cas, c’est-à-dire sans se nuire, ni nuire à autrui et l’environnement. Les actions citoyennes collectives ne servent plus à grand-chose, si ce n’est à être manipulé et fiché. Une idée serait qu’une fois par semaine, à un jour et une heure précis, les gens de tous bords, origines, etc., se réunissent dans l’église la plus ancienne et la plus proche de chez eux, sans rien dire, pour une demi-heure, par exemple le dimanche à 15h. Après tout, ces lieux sont faits pour la communauté. Ce ne serait pas pour leur aspect religieux qu’ils seraient ici utilisés mais comme des espaces de rassemblement, qui plus est, présents partout en France ! Pourquoi choisir les églises les plus anciennes ? Parce qu’elles sont un lien avec le passé, et leur conservation un espoir pour le futur !

On nous dit que nous sommes un pays riche, mais progressivement nos richesses les plus basiques se frelatent : l'air, l'eau, la terre, la nourriture, la liberté, etc. On fait de l'argent la première richesse, alors qu'il est très loin de l'être et l'un des premiers vecteurs de cette détérioration lorsqu'il est dans les mains d'irresponsables. Il en est de même pour ce que l'on considère comme une autre grande richesse dans le monde contemporain : les nouvelles technologies.

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La fabuleuse histoire de l’Eau de Cologne

Eau de Cologne

 

Cet été et jusqu’à la fin de l’année, le Musée International de la Parfumerie de Grasse organise une exposition consacrée à l’eau de Cologne, depuis son élaboration en 1709 jusqu’à aujourd’hui. Elle est intitulée : La fabuleuse histoire de l’Eau de Cologne. Entre baignades en Méditerranée et promenades dans les Alpes-Maritimes, les chanceux estivants ainsi occupés, ajouteront avec bénéfice un passage dans ce musée situé dans le pays du parfum !

S’il fallait afficher un parfum emblématique du XVIIIe siècle, ce serait sans doute celui-ci ! À la fin de ce siècle, beaucoup d’imitations et autres contrefaçons sont créées. Et oui, déjà au XVIIIe siècle la contrefaçon se propage dans le domaine du luxe, prenant une ampleur croissant avec l’industrialisation. Ce serait surtout à partir des années 1960, lorsque cette fragrance est récupérée par la grande distribution, qu'elle perd sa connotation luxueuse, pour englober une catégorie de parfums plutôt bon marché. Cependant, l’Eau de Cologne primitive serait toujours produite par les descendants du créateur.

À l’origine, il s’agit d’un parfum assez révolutionnaire, créé en Allemagne par un Italien, Jean-Marie Farina (1685 – 1766), et très en vogue dans toute l’Europe, en particulier en France. Il est d’abord vendu comme un remède. Il conserve ce rôle pendant longtemps, en complément de sa fonction olfactive. Dans le fascicule paru pour l’exposition universelle française de 1867 (cliquer sur l’image ci-dessus pour accéder à cet ouvrage numérisé par Google), sont encore vantées les vertus médicinales de cette potion considérée comme un « fortifiant du système nerveux » : « Les maux contre lesquels elle est un remède aussi prompt qu’efficace sont le mal caduc, l’apoplexie, le tremblement, la roideur du cou, les palpitations du cœur, les obstructions du foie ou de la rate, les douleurs des reins, la colique, les maux d’estomac et les indigestions. » Il s'agit véritablement d'une eau que l'on peut même boire, semble-t-il !

Photographie ci-dessous provenant du dossier de presse.

Exposition Eau de Cologne

Je n’ai pas vu l’exposition, mais le musée m’a gracieusement envoyé le catalogue (image ci-contre). Celle-ci est très intéressante car exemplaire de l’évolution du secteur du luxe.

Il y a d’abord l’origine. L’Europe importe le savoir-faire italien dans le domaine du luxe depuis le XVIe siècle. En France, d’importantes manufactures sont créées par des Italiens ou grâce à l’apport d’immigrants de la Péninsule qui amènent avec eux leur savoir-faire. C’est le cas pour la céramique (majoliques), la dentelle, la peinture, la sculpture, etc. Cela est à la base de la Renaissance française. L’exposition retrace l’arrivée de Farina à Cologne, en 1706. Il est issu d’une famille italienne de parfumeurs. Il serait le premier à utiliser l’essence de bergamote. La bergamote est un nouveau fruit très à la mode au XVIIIe siècle, et on en fait même de jolies boîtes parfumées (photographie ci-dessous du dossier de presse du musée). Une boîte de ma collection est visible ici et ici.

Boîte bergamote

Au XVIIIe siècle, de nombreux fabricants de parfums prospèrent à Cologne, et beaucoup de contrefaçons existent. On considère alors cette eau comme une panacée (soignant tous les maux). Au début du XIXe siècle, son rôle de parfum est mis en avant. En 1803, un Allemand nommé Wilhelm Mülhens (1762 – 1841) crée l’eau de Cologne Franz Maria Fatrina qui, en 1807 devient N°4711. En 1862, est fondée en France la société Roger & Gallet, qui propose une grande gamme d’eaux de Cologne, des produits dérivés (poudre de riz, lotion, savon à base de cette eau) ainsi que divers autres vinaigres de toilette, eaux parfumées, savons, produits de soin et de maquillage. Cette société dépose plusieurs brevets (flacon goutte-à-goutte, rouge à lèvres…) et développe son activité de façonnier afin de fournir les premiers grands magasins (Le Bon Marché, La Samaritaine…). D’autres grandes maisons de parfumerie françaises déclinent leur eau de Cologne, comme les maisons Lubin, Guerlain, Chanel, Hermès, Christian Dior, etc. Diverses eaux sont produites et, comme déjà dit, la grande distribution s’empare de l’eau de Cologne lui faisant perdre tout ce qui fait auparavant sa renommée : panacée, eau pour la toilette et parfum de luxe.

Suivre cette évolution, c’est le faire de fragrances d’abord naturelles, aux propriétés non seulement olfactives mais aussi médicinales et lavantes (pour la toilette), pour s’acheminer progressivement vers quelque chose de plus en plus chimique. Cette histoire devrait inspirer les parfumeurs actuels, afin de revenir à des compositions naturelles, avec des effets médicinaux. Allier la délicatesse d'un parfum à des propriétés thérapeutiques et de bien être serait pour le coup du grand art ! En cette époque polluée, cela s’avère plus que jamais nécessaire !

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Drôles de pistolets III : Les « gentils hommes » de 1846 !

Après les gandins, croqués par Alfred Grévin (1827 – 1892) et évoqués dans cet article et celui-ci, voici les gentilshommes (écrits « gentils hommes ») esquissés par Cham (pseudonyme d’Amédée de Noé : 1818 – 1879).

Ce dernier édite, en 1846, une vingtaine de caricatures reliées dans un album intitulé Nos Gentils hommes. Goût, Tournure, Élégance, Mœurs et Plaisirs de la Jeunesse dorée. Il s’agit d’un très intéressant cahier sur la mode excentrique de certains jeunes hommes d’alors. Ceux-ci portent les cheveux frisés, de larges rouflaquettes et favoris, une longue moustache, des habits à carreaux, de grandes cravates à gros nœud, de grands cols hauts ou bien mous et retombants, un pantalon serré finissant en pattes d’éléphant, des souliers assez menus et affublés d’un gros nœud, etc. Ces caricatures sont publiées une par une dans la revue Le Charivari de la même année. Les exemples illustrant cet article proviennent de ce journal.

En 1846, on est encore sous le règne de Louis-Philippe, qui s’étend de 1830 à 1848, juste avant la Révolution de 1848 et la Seconde République (1848 – 1852). Ces « gentils hommes » jouent les gentilshommes… certains l’étant alors que d’autres ne sont pas du tout des aristocrates. Plusieurs pièces de théâtre de l'époque mettent en scène de ces gentilshommes, gandins, petits crevés et autres. Dans ces œuvres, certains de ces personnages sont brocardés pour leur prétention à jouer les nobles quand ils sont d’une extraction populaire, ce qui bien sûr est un ressort comique exploité par les auteurs dramatiques. Ils se composent des manières ‘outrées’ d’Ancien Régime, la mode en France étant très originale, surtout aux époques où l’aristocratie est au pouvoir, celle-ci ne se donnant pas de limites, si ce n’est celles du bon goût et du manque d’imagination. La mode se renouvelant constamment et dans les mains ‘d’artistes’ en manières, habillement et goût particulièrement innovants, elle n’a pas vraiment de limites, et reste très libre. De plus, l’originalité, l’invention, la découverte, le merveilleux… dans le domaine vestimentaire, par exemple avec les robes déguisées du Moyen Âge (voir mon livre Merveilleuses & merveilleux) comme ailleurs (poésie, sciences…), occupent une grande importance dans la culture française au moins depuis le XIIe siècle et jusqu’à la fin de l’Ancien Régime au XIXe. Cette inclination aux inventions et autres sciences est si fort, que plusieurs témoignages, en particulier du XVIIIe siècle et de la première moitié du XIXe, décrivent les Parisiens non seulement férus de mode, mais aussi de sciences, et une capitale française remplie de cercles et académies. En 1830, l’Anglaise Lady Morgan écrit : « Paris est devenu une grande université ; chaque quartier a ses écoles ; les jardins publics eux-mêmes sont des lieux d’étude ; et l’on pourrait diviser la société en professeurs et élèves ; en orateurs et auditeurs, en philosophes et disciples. »

Les Petits-maîtres de la Mode

« Foi de carrossier. Un homme d’une position aussi élevée que la vôtre, doit avoir la voiture la plus basse possible….. » Les modes des merveilleux sont outrées même dans leurs voitures. Par exemple, elles sont parfois très hautes et d’autres fois très basses.

Les Petits-maîtres de la Mode

« Tiens ! C’est le m’sieu du château ! – On l’disait si riche……... y s’fait des habits avec la toile de sa paillasse !... » Les merveilleux reprennent parfois des usages de classes ‘populaires’, notamment vestimentaires, comme la blouse, le pantalon, etc. Une anecdote raconte que le comte d’Orsay (1801 – 1852) lance la mode du paletot, en s’habillant avec une longue et large veste en gros drap qu’il achète à un matelot anglais pour se protéger d’une averse, lors d’un de ses nombreux séjours à Londres.

Les Petits-maîtres de la Mode

« Ton vicomte est un cuistre !… Je lui ai gagné, hier soir, au lansquenet, 500 louis – Eh bien ! le croirais tu ! Il paraissait contrarié !……... »

Les Petits-maîtres de la Mode

« Palsambleu quel bon petit chic !! – Voilà une rosière comme nous les aimons, nous autres gentils-hommes ! » Une rosière est une belle jeune femme récompensée lors d’une fête pour ses qualités de sagesse. Elle obtient alors une couronne de roses. En France, les merveilleux sont galants. Ils n’hésitent pas à fréquenter toutes sortes de jolies et fines femmes, même certaines grisettes travaillant dans le domaine de la mode qui est le premier pourvoyeur d’emplois pour le sexe féminin.

Les Petits-maîtres de la Mode

« Ne vous effrayez pas ! C’est une preuve de race… il vous lâchera tout à l’heure. »

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Drôles de pistolets II

De tout temps certains ont critiqué la folie des êtres humains. Nous sommes à une époque qui n’a jamais été aussi folle, non pas parce que les hommes sont plus insensés, mais parce qu’ils ont à leur disposition des moyens technologiques qui permettent de démultiplier leur déraison d’une manière jamais égalée. Emporté dans cette machine, j’aime à me rappeler des manières colorées, nanties d’extravagances, des richesses à portée de chacun, ne nécessitant rien si ce n’est un peu de fantaisie. Évidemment, cela n’apporte aucune solution à cet imbroglio actuel. En existe-t-il seulement, si ce n’est une prise de conscience individuelle ? Mais cela me relaxe ; et j’espère que cela fait de même pour vous. Les sujets sont vieillots, et plus de mode ; cela est fait exprès, car la ‘vraie’ mode n’est selon moi jamais à la mode ; elle est toujours en avance, même quand elle est en retard ! Et puis franchement, on ne trouve plus de sujets aussi amusants dans les rues parisiennes actuelles.

Voici donc un article faisant suite à celui-ci, avec d’autres drôles de pistolets, toujours dessinés par Alfred Grévin (1827 – 1892). Ce dernier produit de nombreuses séries sur la vie ‘à la mode’ de son époque, comme « Les Parisiennes », « Canotiers et canotières », « Au bal masqué », « À travers Paris », « À la mer », « Scènes de la vie privé », « Nos petits gandins », etc. Il crée des affiches, par exemple celle de la pièce La famille Benoiton qui lance les benoitonnes. Il illustre un livre d’Edouard Siebecker sur les Cocottes et petits crevés (1867). Etc. Bien sûr, il n’est pas le seul à faire cela. Beaucoup d’autres artistes exécutent des séries caricaturant des merveilleuses et des merveilleux. La lithographie, nouvelle technique d’impression qui se développe au XIXe siècle, permet de publier à grande échelle ces estampes. Les revues illustrées de caricatures pullulent alors, et deviennent des témoignages complémentaires aux journaux de mode, qui eux conservent l’impression d’images gravées représentant des personnages dans des poses plutôt ‘rigides’. Ces gravures de mode sont donc finalement beaucoup moins ‘dans le vent’, dans l’instant, la mode prise sur le vif, que le sont les lithographies du XIXe siècle que je présente parfois dans ce blog, comme dans cet article ! Pourtant, personne encore ne considère des artistes comme Grévin, Bertall, Gavarni, Millaud ou Cham aussi comme des illustrateurs de la mode de leur époque, mis à part votre serviteur, qui découvre chez eux des informations pertinentes et amusantes sur les merveilleuses et les merveilleux du XIXe siècle !

Photographies ci-dessus : Les personnages proviennent tous de caricatures d'Alfred Grévin.

Les Petits-maîtres de la Mode

Ci-dessus : « Actualités, – par A. Grévin. » « Le jeune vicomte de ***, avant de partir pour Longchamps, jette un dernier sourire de satisfaction à son armoire à glace. » L’appellation de « jeune vicomte » est sans doute donnée de manière humoristique, afin de ridiculiser les ambitions de ce genre de gandin, comme on le fait aux XVIIe et XVIIIe siècles avec les faux « petits marquis ». Son « armoire à glace » est un simple petit miroir adossé à un placard vide. Son ‘château’ est une masure sous les toits. Il est de bon ton alors d’ajouter un immense ruban coloré au chapeau. Cette lithographie provient du Petit journal pour rire, comme la suivante.

Ci-dessous : « Nos petits gandins, – par A. Grévin. » « - Soyons sérieux, que diable ! Comment ! Toi riche, tu épouses une femme sans l’sac ! Oh ! Lala !!.. J’veux qu’avant six mois elle t’appelle… andouille. » On remarque la tenue du personnage de gauche, avec son petit chapeau enrubanné, sa veste à grand col, cintrée et à manches s’évasant largement, sa chemise à grand col ouvert, son pantalon très serré et ses hautes bottes. La tenue du second est au contraire très lâche, décontractée. À l’époque de cette lithographie et de nos « drôles de pistolets », les tenues masculines sont très originales et variées. Le personnage de gauche a une allure très fine, féminine et ‘efféminée’, et son visage est glabre ; cela contraste avec l’apparence de son interlocuteur, grand, plus corpulent, à la barbe fournie et à la tournure très détendue, les deux mains dans les poches de son pantalon, ce qui commence donc à se faire à l’époque. Le contraste est une caractéristique de la mode masculine d’alors.

Les Petits-maîtres de la Mode

Ci-dessous : Un drôle de pistolet (à gauche) plus ancien, de l’époque Directoire (1795 – 1799). Il s’agit d’une gravure. Les incroyables et les merveilleuses sont le sujet de nombreuses caricatures, tellement que l’on peut dire que c’est à leur époque qu’est lancée la caricature de mode représentant les merveilleuses et les merveilleux du jour et leurs nouvelles modes extravagantes. Ces estampes deviennent très populaires, et la foule aime à venir regarder chez les marchands les nouvelles parutions, comme on peut le voir ici, ici, ici, ici et ici. Par la suite, le calicot est une caricature prisée des premières lithographies imprimées à grande échelle ; puis s'ajoutent le bas-bleu, la lorette, le lion, le gandin, le gentilhomme, etc.

Les Petits-maîtres de la Mode

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L’atelier Nadar et la mode :1865 – 1913

Les Petits-maîtres de la Mode

En 1978, une exposition intitulée « L’atelier Nadar et la mode : 1865 – 1913 » présentait une sélection de photographies des Nadar, père et fils : Félix (1820 – 1910) et Paul (1856 – 1939). Tous deux ont fait des clichés de personnalités de leur époque. Un troisième, dit « Nadar jeune » (Adrien Alban Tournachon : 1825 – 1903), demi-frère du premier, a aussi photographié des écrivains et artistes de son temps qui sont des documents particulièrement précieux et rares. Côtoyant le ‘beau monde’ en vogue, certaines de leurs œuvres sont des témoignages de la mode de leur époque.

Exceptés un portrait du couturier Charles Frederick Worth (1826 – 1895) et d’autres d’enfants, toutes les photographies de l’exposition mettaient en scène des femmes en vue, surtout : aristocrates, comédiennes, cantatrices, danseuses et mannequins.

Voici quelques-unes des pages du catalogue de l’exposition avec des exemples du travail de Paul Nadar.

Les Petits-maîtres de la Mode
Les Petits-maîtres de la Mode
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Merveilleuses & merveilleux